Au fil de mes lectures

Certaines n’avaient jamais vu la mer – Julie Otsuka

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« Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient jamais mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles.« 

Voici tout juste 48h que j’ai reçu ce livre, et je ne peux le lâcher. Julie Otsuka retrace ici avec une force poignante l’histoire de ces femmes qui, au début du XXe siècle, quittaient le Japon, leurs villages, leurs familles pour aller en Amérique épouser des hommes qu’elles n’avaient jamais vu, et auxquels elles seraient dorénavant liées.

Le style de Julie Otsuka est étrange à appréhender au début : rédigé à la première personne du pluriel, ses phrases sont courtes, percutantes, sèches ; le lecteur se laisse toutefois rapidement happer par le récit de ces jeunes – et moins jeunes – femmes dont les voix montent, enchevêtrées les unes aux autres, pour nous conter les difficultés de leurs vies dans un pays étranger, aux coutumes et mœurs si différents de ceux du Japon.

Le récit est dur, certains passages – comme celui de la première nuit à la descente du bateau ou celui contant la vie des jeunes enfants – sont cruels et éprouvants, mais se dégage de l’ensemble une impression marquante de courage et de volonté face à l’adversité et aux épreuves. Le travail dans les champs, chez des particuliers ou dans les caves des villes (où étaient installées les blanchisseries) est nouveau pour ces femmes qui rêvaient, sur le bateau, d’une vie meilleure, confortable et aisée. Et puis arrive la guerre, et Pearl Harbor qui fait d’eux des traîtres dans leur pays d’adoption. Commence alors le récit de la méfiance, des soupçons et de la peur : « chaque soir au crépuscule, nous brûlions nos affaires […]. Nous avons mis le feu à nos kimonos de mariage en soie blanche, au-dehors, dans notre verger, parmi les sillons entre les pommiers. Nous avons versé de l’essence sur nos poupées de cérémonie dans des poubelles de métal au fond des ruelles du quartier japonais. Nous nous sommes débarassées de tout ce qui pouvait suggérer que nos maris entretenaient des liens avec l’ennemi. » Mais la guerre continue, et il faudra bientôt en arriver à une solution plus radicale.

Les désillusions de ces femmes, leurs regrets, leurs peines et le sentiment d’injustice qui les habitent sont merveilleusement traduits, et le lecteur vit avec elles tous ces moments difficiles de façon très intense, en découvrant leur existence et cet épisode méconnu de l’histoire des Etats-Unis dans un récit qui leur rend justice avec respect et tendresse.

Et vous, mes p’tites souris, l’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ?

Anne Souris

Pour en savoir plus sur l’auteur, cliquez ici.

9 commentaires sur “Certaines n’avaient jamais vu la mer – Julie Otsuka

  1. J’ai bien aimé le récit, le rythme donné mais l’emploi de la 1ère personne du pluriel m’a dérangé et j’ai trouvé cela perturbant. Mais on est vraiment plongé dans la vie de ces femmes, cette vie qui est dure, pleine de désillusions dès l’arrivée pour la grande majorité d’entre elles et sans espoir de retour. Ont-elles eu une vie meilleure?

    1. L’emploi de la 1ère personne m’a aussi déroutée au début, et je m’y suis faite progressivement. Il permet, je trouve, de rendre encore plus puissante l’expérience de ces femmes, leurs douleurs, leurs attentes et leurs espoirs. Quitter une région aimée et connue, leur famille et leurs amis pour l’inconnu et le plus souvent de fortes désillusions a du être bien difficile pour ces femmes dont certaines étaient si jeunes ! Avez-vous été perturbée au point de ne pas aimé le livre au final ?

  2. J’ai beaucoup aimé ce livre, ces histoires de femmes sont très fortes et malheureusement elles sont encore d’actualité. Pour moi, c’est le rythme sec et saccadé du récit qui rend encore plus puissante et dramatique l’expérience de ces femmes plutôt que l’emploi de la 1ère personne du pluriel.
    Je sens que je vais passer beaucoup de temps sur votre blog…. Un grand merci.

    1. Merci infiniment MJ, j’espère que je serai à la hauteur de vos attentes ! Et si vous souhaitez être tenu au courant des nouveaux articles automatiquement, n’hésitez pas à vous inscrire dans la colonne de gauche, vous recevrez un mail dès que je posterai un nouvel article ! Bonne soirée !

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