« Londres est désormais pour moi une ville hantée et je suis le fantôme qui erre dans ses rues. Chaque rue, chaque place, chaque avenue semble me susurrer les souvenirs d’une autre époque de mon existence. Même un tout petit tour à Chelsea ou Kensington me ramène à des endroits où je fus jadis bienvenu et où aujourd’hui je serais un parfait étranger.«
Ecrit par le réalisateur de ma série fétiche, Downton Abbey, et auteur du roman Snobs que j’avais dévoré, Julian Fellowes, je ne pouvais passer à côté de Passé Imparfait. Tout dans le résumé m’attirait : un roman se déroulant en Angleterre, dans cette upper-class si propre à nos voisins d’Outre-Manche, avec une intrigue mêlant souvenirs qui remontent à la surface, liaisons amoureuses et satyre sociale d’une certaine société en voie de disparition.
Lorsque l’histoire commence, le narrateur – qui, je viens de m’en rendre compte, n’est nommé à aucun moment dans le roman, du moins dans mon souvenir, pardonnez-moi si je me trompe ! – n’a pas revu Damian Baxter depuis quarante ans. Jeune homme issu d’une famille modeste, Damian Baxter est à présent à la tête d’un empire financier colossal, et, atteint d’une maladie incurable qui ne lui laisse que quelques semaines de répit, il se tourne vers le narrateur afin de lui demander de mener une enquête peu commune. Pour simplifier les choses (car le scénario est assez tordu mais très bien mené), Damian a eu, au cours de l’été 1970, des liaisons avec plusieurs femmes, toutes en couple à l’époque, et l’une d’elle serait tombée enceinte, aurait gardé le bébé en le faisant passer pour l’enfant légitime de son mari et sans rien dire à Damian, sauf dans une lettre anonyme, envoyée dans les années 1990 au terme d’une soirée arrosée. Damian ayant – tout de suite après l’été 1970 – contracté une maladie l’ayant laissé stérile, cet enfant est le seul à pouvoir hériter de son immense fortune.
« Je suis en train de mourir et je ne crois à rien, fit-il simplement, c’est ma seule chance d’atteindre l’immortalité. »
Commence alors pour le narrateur une quête qui va le forcer à revivre ces années 1967-1970 pendant lesquelles, comme une ritournelle enfantine, leur groupe d’amis a étudié (un peu), fait la fête (beaucoup), s’est aimé (passionnément), déchiré (à la folie) et ne s’est plus revu. Du tout. Que s’est-il passé, en ce mois de juillet 1970, à Estoril au Portugal, pour qu’aucun d’entre eux ne se fréquente plus, au point que le narrateur découvrira avec stupeur le cours qu’a pris la vie de chacun, entre hauts et bas, succès professionnels et échecs intimes ?
Julian Fellowes écrit bien, très bien même, et il excelle dans le cynisme et l’ironie mordante : pour ceux d’entre vous qui n’ont jamais lu Fellowes, prenez la comtesse douairière de Grantham comme exemple, et vous aurez une image assez juste de son sens de la formule. J’ai toutefois mis du temps à entrer dans le roman, qui pèche peut-être par excès de nostalgie : après deux ou trois remarques sur le temps qui est passé, sur la différence entre hier et aujourd’hui, j’avais compris le message et aurais souhaité un peu moins de mélancolie et un peu plus de tonus dans le déroulé de l’intrigue. Comme le dit si bien la comtesse douairière :
Il s’agit toutefois d’une critique mineure d’un très bon roman, qui se lit avec beaucoup de plaisir, en sirotant une tasse d’Earl Grey ou de Darjeeling en grignotant un ou deux scones ou quelques shortbreads.
Bref, si votre bibliothèque crie famine et que vous êtes en panne d’idées, n’hésitez pas, foncez chez votre libraire !
Bonne journée !
Anne Souris
PS : et l’avis d’Anne !
C’est amusant, je suis en train de le lire (emprunté à la bibli) et je trouve aussi qu’il y a des longueurs, mais qu’est-ce que c’est finement observé !
Il faut passer outre les longueurs pour se focaliser sur l’intrigue, qui est vraiment bien menée ! Mais j’avais parfois envie de secouer le narrateur en lui disant « eh oh, on a compris, c’est plus pareil, avance ! » 😉
Mais cela fait partie de la quête… et de l’enquête !