« Une étudiante oubliée du siècle passé, Simone de Beauvoir, avait commis en 1958 une dissertation intitulée Mémoires d’une jeune fille rangée. Le niveau en était piètre. Au risque de lui défriser le chignon, j’ose affirmer, moi, François de Rupignac, qu’il est plus urgent de lire mes Mémoires d’un vieux garçon pas si rangé que ça. « On ne naît pas vieux garçon, on le devient. » : il faudrait avoir une chauve-souris dans le beffroi pour affirmer une énormité pareille. Avant de dérouler mes confessions avec le sérieux d’un moine-copiste, j’aime imaginer ce dialogue entre ma mère et la sage-femme, dans cette maternité catholique où j’ai vu le jour un matin de mars 1985… »
Un vieux garçon vieillot, plein d’une morgue aristocratique particulièrement antipathique, dont les connaissances se limitent peu ou prou aux exploits de ses ancêtres et à la connaissance in extenso du Bottin Mondain, décide d’occuper ses nuits en rassemblant autour de lui des membres de la gent masculine ayant juré de terminer leurs jours vieux garçons.
Présenté sous cet angle, ce roman – le premier de La Rochefoucauld que je lisais – pourrait, au choix, vous donner envie de le jeter par la fenêtre d’exaspération ou de l’abandonner à son triste sort avec les autres livres destinés à l’oubli à plus ou moins long terme.
Si l’intrigue commence lentement et traîne tout du long quelques longueurs et digressions mondaines que Proust n’aurait pas reniées (en particulier les descriptions de la famille du héros, de son éducation et de ses aspirations), le style caustique et pince-sans-rire de l’auteur permet d’enlever un peu le rythme et de savourer les aléas du destin de ce jeune homme, vieux garçon avant l’heure. Des personnages secondaires savoureux, à l’image de la grand-mère de François – duchesse douairière n’ayant rien à envier à la comtesse douairière de Grantham dans Downton Abbey – ou des situations cocasses, telle que la visite du jeune homme chez Deyrolle, amènent une touche de légèreté à un roman qui risquerait peut-être parfois de tomber dans le narcissisme dans lequel se complait son héros.
Le fait d’avoir rigoureusement l’âge de François m’a immédiatement interpelée et rapprochée de lui mais m’a aussi fait parfois trouver quelques incohérences dans des traits de son caractère un tantinet caricaturaux… Le lecteur réussit cependant, je pense, à s’attacher à lui, lui souhaitant au final de trouver le bonheur et une existence un peu plus normale que la naphtaline dans laquelle il a été élevé et la débauche dans laquelle il se vautre faute d’avoir trouvé un idéal qui le fasse vivre. On l’image d’ailleurs bien arrivant à Londres et lançant, sur le même ton de défi qu’un autre héros en -ac de la littérature française : « à nous deux maintenant ! »
Bref, ce roman m’a fait passer un bon moment et donné envie de lire autre chose de Louis-Henri de La Rochefoucauld, mais ne m’a pas autant transportée que Bojangles ou charmée comme Mlle Prim.
Sur ce, vu le temps gris et pluvieux que nous avons la chance d’avoir, je file me préparer un bon thé chaud et commencer un autre roman…
Bon week-end, et bonnes lectures !
Anne Souris
Je suis en train de le lire (suis parvenu à l’exacte moitié du livre). La critique de la Librairie La Procure dit qu’elle a « pouffé de rire » à sa lecture à elle des Vieux Garçons. On ne doit pas avoir eu le même livre dans les mains : c’est à peine si je souris de loin en loin, tant tout ça est convenu dans le genre réac parisien, avec tous les clichés afférents, des vieux aristos décalés et attachants aux têtes à claques pittoresques. C’est si l’on veut hussard, c.a.d. bourgeois nostalgique (je peux comprendre) et prudemment apolitique, évitant tous les sujets qui pourraient fâcher un critique de gauche. Bref, pour le moment ça ne casse pas trois pattes à un canard élitiste. Et pourtant, moi aussi je préfère le VIIIe (ou leXVIe) au XIe arrondissement (leurs avenues et leurs immeubles plutôt que leurs habitants)…. Enfin, peut-être que la seconde moitié du livre va créer la surprise, voire l’excitation…
Pardon de ne pas avoir vu votre commentaire avant !
L’avez-vous fini finalement ? La 2e partie vous a-t-elle plus plu ?
Bonjour Anne Souris,
Je survole votre Blog. Je suis aussi très occupée. J’ai vu le nom de Simone de Beauvoir. Je ne peux pasm’empêcher de partager mon désamour pour l’écrivain et la soit-disant penseuse (qui a été assez naïve pour la suivre!). Je me suis mortellement enquiquinée à lire les « mémoires d’une jeune fille rangée » Je revoie ma déception de jeune lectrice. Elle nous raconte ses soucis de bonne bourgeoise du Boulevard Saint-Germain. Franchement pour moi l’étiquette « féministe » ne passe pas par la narration mièvre de ses cousines qu’elle trouvait trop dans le moule bourgeois. J’étais adolescente, j’allais dans un Lycée Parisien très bourgeois. J’attendais autre chose. J’ai fermé le livre, je ne l’ai jamais ouvert de nouveau. À pleurer. Je lirai donc « le club des vieux garçons. »
Bonne soirée
Montaine