La parole est à l’accusé.« Messieurs », commence Charles avec résolution. Son regard droit et ardent s’adresse, tout comme sa voix, aux jurés qui l’écoutent avec sévérité, visages fermés, sourcils froncés. « Si dans cette journée importante ma vie seule était en cause, j’espère avec raison que celui qui, quelquefois, a su conduire de braves gens à la mort saura s’y conduire lui-même en brave homme. Je ne vous retiendrai pas longtemps… Mais ce n’est point devant vous, messieurs, que je dois appuyer sur le sentiment. Elle passera dans vos cœurs, messieurs, cette conviction intérieure que j’ai, que je proclame hautement, dans ma pensée, dans mon action : l’honneur est intact. »
Sylvie Yvert nous avait emmené avec « Mousseline la sérieuse » à Versailles, avant la révolution, au cœur de la famille royale. Dans « Une année folle », elle nous projette cette fois-ci quelques années plus tard, au crépuscule de l’empire, sur les traces de deux hommes condamnés à mort parce qu’ils ont été trop fidèles à l’empereur. Dans ce récit à deux voix, nous découvrons la vie de Charles et Antoine, l’aristocrate et le fils de commerçant, le fonctionnaire et le militaire, le prudent et le sanguin, deux hommes que tout oppose mais qui se retrouvent dans leur dévouement à Napoléon.
Découpé en chapitres qui laissent la parole à l’un puis l’autre des deux protagonistes, Sylvie Yvert nous présente avec verve, entrain et grande précision historique le destin de ces deux héros oubliés de la folle épopée impériale. Aucune caricature, aucun raccourci rapide ou anachronisme : l’auteur nous présente avec beaucoup de justesse les hésitations, les craintes, les espoirs que cette époque a fait naître dans le cœur des Français. Elle nous brosse le portrait de personnages secondaires hauts en couleur (les passages avec la reine Hortense de Beauharnais sont un vrai plaisir) tout en soignant particulièrement les détails de sa « petite » histoire pour l’insérer parfaitement dans la grande.
Le lecteur assiste – médusé – à l’hypocrisie des courtisans, à leurs pas de deux entre Louis XVIII et Napoléon, il rit des vestes qui se retournent en une seule nuit et des lys qui se transforment en abeilles comme par simple magie.
Ils sont rares, les auteurs qui réussissent à vulgariser l’histoire sans la dénaturer, à la rendre trépidante en lui conservant toute sa rigueur scientifique, à transporter le lecteur sans avoir besoin d’enjoliver les faits. Sylvie Yvert en fait partie, pour notre plus grand bonheur et nous attendons avec hâte son prochain roman !
Bonne lecture !
Anne-Sophie