« Nous sommes un lundi, la ville remue derrière son écran de brouillard. Les gens se rendent au travail comme les autres jours, ils prennent le tram, l’autobus, se faufilent vers l’impériale, puis rêvassent dans le grand froid. Mais le 20 février de cette année-là ne fut pas une date comme les autres. Pourtant, la plupart passèrent leur matinée à bûcher, plongés dans ce grand mensonge décent du travail, avec ces petits gestes où se concentre une vérité muette, convenable, et où toute l’épopée de notre existence se résume en une pantomime diligente. La journée s’écoula ainsi, paisible, normale. Et pendant que chacun faisait la navette entre la maison et l’usine, entre le marché et la petite cour où l’on pend le linge, puis, le soir, entre le bureau et le troquet, et enfin rentrait chez soi, bien loin du travail décent, bien loin de la vie familière, au bord de la Spree, des messieurs sortaient de voiture devant un palais. «
Comme tout régime politique – dictatorial qui plus est -, le IIIe Reich a fondé son image sur une propagande soigneusement construite et un discours officiel parfaitement huilé. Mais derrière cette façade pour l’Histoire, et peut-être encore plus que pour d’autres régimes, ce ne furent au début que cafouillages, intrigues, vulgaires négociations pour asseoir l’autorité d’Hitler et lui permettre de mener à bien sa prise du pouvoir. Lire la suite « L’ordre du jour – Eric Vuillard »