
« Notre histoire étant ce qu’elle est, Vita, j’ai bien conscience que tu pourrais choisir de ne pas lire ces lignes. Je viens d’avoir soixante-dix ans en mai, même si tu n’en as sans doute que faire. Or cette année bisextile (soit, pour les Romains, MMXX) attendue de si longue date n’a pas été pour moi messagère de bonnes nouvelles. Pendant que le reste du monde avance bravement vers son avenir, je croupis dans la maladie et dans ma nostalgie personnelle, comme il est courant à ce stade de la vie – on me l’avait toujours dit. Ce qui me prend de court, c’est mon lâche besoin d’absolution. Plus que jamais, mes pensées vont vers Kitty et vers toi. Moi qui n’ai pas de religion, me voici contraint d’en emprunter les pratiques et c’est un suppliant qui s’adresse à toi. J’ai une proposition à te faire mais encore faut-il que je sache si tu es là, éventuellement prête à m’écouter jusqu’au bout. Bien à toi, Royce »
Que reste-t-il, au crépuscule de sa vie, lorsqu’on se retourne et que la vie est hantée de souvenirs et de fantômes ? Que reste-t-il lorsque la culpabilité d’être née au mauvais endroit, au mauvais moment, dans la mauvaise classe sociale vous ronge jusqu’au plus profond de votre être, quand « la conscience de classe ressort comme une poussée d’eczéma« , poussant à se « draper dans le manteau victimaire » ? Lire la suite « Au jardin des fugitifs – Ceridwen Dovey »