La liste de mes ennuis·Presque rien...

De l’Harlequinisation des romans modernes…

Pas de critique de roman aujourd’hui, même si la diatribe qui suit résulte de mes dernières lectures, à savoir, pour ne pas les nommer : L’Île du Point Nemo de JM Blas de Roblès, Ne lâche pas ma main de M. Bussi et Le retour du capitaine Emmett d’E. Speller.

Soyons très clairs : je ne pense pas être une jeune femme prude aux oreilles particulièrement délicates – même si j’avoue détester les blagues grivoises de mon marin de mari… – mais très honnêtement, j’ai été obligée de sauter des passages entiers des livres ci-dessus tellement j’étais mal à l’aise.

Et pourtant, pour ne parler que de celui-là, j’avais adoré le début de l’Île du Point Nemo. Le style excellent, une intrigue digne héritière de Jules Verne et Maurice Leblanc, un parti-pris de mise en abîme permanente m’avaient conquise dès les premières pages et puis… le choc. Un passage à la limite de la pornographie, des mots décrivant explicitement une scène qui aurait été classée XXX et interdite aux moins de 45 ans au cinéma ! Bon. L’histoire étant quand même bien menée, j’ai cru à un coup de folie de l’auteur, ou à une envie de provoquer son lecteur, et je suis passée outre. Bien mal m’en a pris ! JM Blas de Roblès ayant eu l’extrême bonté de nous gratifier de ces délires voyeuristes à intervalles réguliers du roman, je me suis retrouvée à sauter des passages entiers et à me dire qu’il faudrait que je songe à avoir une version expurgée du livre si je veux le garder dans ma bibliothèque.

Et il en a été de même avec le Bussi : un excellent roman policier, une superbe intrigue au dénouement inattendu, des personnages bien campés, et au milieu de tout ça, tombant comme un cheveu dans la soupe, des scènes de sexe, des réflexions obscènes n’apportant rien à l’histoire.

Et je ne vous parle pas de quelques mots osés ou sous-entendus grivois : je n’oserais pas citer les passages en question, de crainte de voir ce charmant petit blog répertorié dans l’annuaire des sex-shops et librairies coquines (note to self : un concept à développer), mais croyez-moi, cela vaudrait – presque – le détour.

Que cherchent donc ces auteurs ? Prouver qu’ils sont bien de leur époque ? Montrer qu’ils ne sont pas des vierges effarouchées ? Affirmer leur modernité ? Je ne suis pas certaine de bien saisir l’apport de ces passages, et j’aurais même tendance à estimer avoir été trompée sur la marchandise. Pardonnez ces mots crus (mais après tout, c’est dans le ton du billet…), mais si je voulais du cul, j’achèterais un Harlequin ! Et je saurais, en regardant la couverture violette et dorée sur laquelle un bel Adonis (brun) serre dans ses bras une jeune héroïne (blonde) évanouie, que je vais être comblée… Mais si je choisis un roman en tête de gondole chez mon libraire, dans une belle édition au papier épais, je m’attends à un peu plus de retenue et d’élégance dans le style !

Bref. Je ne suis pas tout à faire sûre que ce billet d’humeur serve à quelque chose, en dehors du fait d’avoir déversé ma bile rageuse ici et non pas chez moi, dans mon salon, ce qui – au final – aura sans doute le même effet, mais si un jour, par le plus grand des hasards, un écrivain passait par là, sachez, cher auteur chéri (car il faut toujours partir du principe qu’on va aimer un livre), que vous n’avez pas besoin de cela pour nous transporter, nous faire défaillir, rosir nos joues ou accélérer notre respiration. Une bonne intrigue, un zeste d’humour, une pincée de réflexion et quelques grammes d’émotion suffisent à la petite lectrice que je suis pour être heureuse, conserver votre roman, le partager, en parler… Somme toute, l’aimer.

Bonne journée !

Anne-Sophie

20 commentaires sur “De l’Harlequinisation des romans modernes…

  1. Excellent billet ! Plein d’humour et pourtant tres sérieux ! Il reste cependant toujours la solution d’arracher les pages comportant les passages… délicats !

  2. Chère Anne Souris, j’adore ce billet ! Comme vous avez raison ! Ah ce trash qui donne l’illusion au romancier  » d’en être « ? de la modernité »? Mais c’est vénal à coup sûr. C’est médiocre. On est si loin des subtilités des romans balzaciens ou de Stendhal dans Le Rouge et le Noir à qui justement Amélie Nothomb rend hommage dans un de ses romans (je ne sais plus lequel) où elle démontre avec beaucoup de talent la puissance suggestive du narrateur ( le lecteur se torture délicieusement les méninges : les héros ont-ils succombé ou pas ?) . Bref ! Pffffff les romanciers d’aujoud’hui n’ont rien compris . Et n’est pas marquis de Sade qui veut . Quand le libertinage était toute une idéologie, un art de vivre.
    ASo, je viens de me remémorer non sans nostalgie l’été de mes 11ans, quand je dévorais les romans de Barbara Cartland, dans le garage d’une dame qui nous invitait dans sa belle maison du pays basque. Eh oui, je me suis nourrie d’illusions, mais qu’importe … Je n’ai jamais changé, depuis la comtesse de Ségur d’ailleurs, avec ses bons, ses méchants et sa cruelle moralité . Mais là, je déborde un peu.

    1. Chère Rina, merci pour ce long commentaire et vos réflexions toujours si intéressantes ! Vous avez mis le doigt sur un point qui mérite en effet que l’on s’y arrête : la vénalité. Et je pense en effet qu’en ces temps de télé-réalité et de voyeurisme érigé en mode de communication (il n’est qu’à voir les devantures des kiosques à journaux…), le trash pornographique doit faire vendre et attirer ainsi des éditeurs peu scrupuleux qui voient là un moyen d’attirer le lecteur en ces temps de crise. De là à le garder, c’est une autre histoire…
      Merci pour votre passage, et j’ai été bien contente de vous offrir un billet à votre goût !
      PS : au sujet des Barbara Cartland, je vais vous avouer un secret… Nous en avons une malle entière au grenier chez mes parents, et je vais régulièrement y piocher pendant les vacances, pour me replonger dans ces historiettes amoureuses terriblement fleur bleue mais justement jamais vulgaires ! ☺️

  3. Bonsoir Anne Souris !!! J’aime beaucoup ce nouveau billet et depuis quelques mois, je vais de déception en déception en lisant certains auteurs que j’adorais comme Schmitt ( Les Perroquets de la place d’Arezzo est un navet sans nom, vraiment horrible, dégoûtant, voyeuriste, je ne suis pas allée jusqu’au bout, j’ai craqué dans les trente premières pages et encore, j’ai tenté de persister parce que je me disais que quand même, cet auteur allait nous apporter quelque chose mais … non ) . Et le dernier de Coelho, moins lamentable quand même, mais avec  » adultère  » , il rentre dans un registre à la limite du porno . Bien dommage parce que son histoire aurait pu être très bien écrite et intéressante sans toutes ces scènes insultantes pour nos yeux ! Je te rejoins totalement sur Bussi ! Je me dis que tous ces auteurs, à raison d’un livre par an,veulent surement attirer plus de monde, avoir encore plus de succès et se disent qu’en passant par cette voie, ils y arriveront forcément ! Mais non !

    1. Bonsoir Mathilde ! Merci pour ce long commentaire !
      Pour ma part, cela fait un certain temps que je ne lis plus Schmitt, ayant été déçue par ses derniers romans. C’est comme Amélie Nothomb, je pense qu’ils gagneraient à faire une pause dans leur production littéraire… Du coup, je ne lirais ni Les perroquets, ni le Coelho !
      Pour Bussi, c’est vraiment extrêmement dommage car ses intrigues sont réellement excellentes… Mais du coup je n’ai pas encore ouvert Les Nymphéas Noirs, de crainte de retomber sur les mêmes passages crus…
      Mais peut-être est-ce à nous, lecteurs, d’être plus exigeants et d’indiquer aux auteurs nos désaccords et déceptions ?!

  4. J’ai lu les Nymphéas noirs et j’ai apprécié ce roman. Michel Bussi nous fait vivre une intrigue policière à travers la vie d’une habitante de Giverny. La description des peintures est tellement bien faite que je respirais l’aquarelle et voyais le tableau tout en lisant. Il n’y a pas de passages crus… ce livre est sorti en 2010. Parfois le succès édulcore la qualité des livres suivants.

    1. Le succès a du lui monter à la tête, ou alors il pense que cela attirera plus de lecteurs ? Quoiqu’il en soit, je vais du coup me plonger dans les Nymphéas ! Merci !

  5. alors là je suis surprise ! je serais même tentée de te demander des numéros de pages , ds le Roblès par exemple , sur lequel j’ai lu des billets enthousiastes. Apparemment il y a des gens à qui ça n’a pas fait lever une oreille en tout cas !
    Et…question bête , on trouve du sexe ds les Harlequin ?? je pensais que ce n’était que de la bluette…

    1. Bonjour Mior, et bienvenue ! Je te donne quelques exemples de pages du Roblès, et te laisse aller te faire ton opinion ! P. 23, 85, 197-198, et le chapitre 52, que Roblès a judicieusement intitulé « Quittez cette page, enfants, et vous aussi, lecteurs que l’impudeur offense ! »
      Bref. Des passages plus que dérangeants côtoient des passages d’une poésie extrême… « Toute phrase écrite est un présage. Si les événements sont des répliques, des recompositions plus ou moins fidèles d’histoires déjà rêvées par d’autres, de quel livre oublié, de quel papyrus, de quelle tablette d’argile nos propres vies sont-elles le calque grimaçant ? »
      Sans doute ce livre vaudrait-il quand même un article propre… Je vais m’y mettre !
      Quant aux Harlequin, il me semble tout de même que c’est plus que de la bluette…

  6. Chère ASo,
    Je n’étais passée qu’une fois dans votre jolie bibliothèque, après la TP, et puis j’ai été occupée… 😉
    J’y reviens aujourd’hui et vous remercie pour ce billet : sens critique (constructif), hauteur de vue et bons conseils… tout ce que j’aime ! J’avoue que ces temps-ci, ma lecture du soir est le seul moment pour moi que je trouve dans un quotidien bien occupé. J’ai récemment « fait le plein » chez mon libraire, et j’attends de pouvoir tourner ces pages et voir la pile descendre avec la même impatience que mon fils attend Noël !
    Maintenant je vais ajouter quelques titres sur ma prochaine liste, dont ces Nymphéas…
    Bonne journée !
    A bientôt
    Bénédicte

    1. Bonjour Bénédicte !! Ca me fait bien plaisir de vous retrouver ici !!! Merci pour vos gentils compliments, et n’hésitez pas à repousser la porte de la Bibliothèque dans l’avenir !! Bonne journée !

  7. J’ai été la première de la famille à lire le « Bussi » en question et, quelle déception! Je partage tout à fait avec Anne Souris cette impression de collage que l’on a quand on tombe sur les passages à la limite du porno. Est-ce à cause de la mode venue des USA du porno pour femmes? En tout cas c’est fort dommage et nuit à la qualité de l’intrigue. Effectivement Nymphéas noir est antérieur donc … meilleur!!

  8. Bonsoir Anne Souris, je me permets de vous écrire ici à prpos de Georges Bernanos que vous avez évoqué dans le boudoir : vous allez être déçue car je ne l’ai jamais lu et ne le connais qu’à travers le film de Pialat, dont je ne suis pas sûre d’avoir tout compris … C’est donc moi qui vous demanderais de me parler de cet auteur, de cette oeuvre, je serais ravie de vous lire à ce sujet et que vous m’éclairiez.
    Bonne soirée, chère Anne Souris .

  9. ah mais je suis tellement d’accord!!! Combien de bouquins gachés par des scènes porno ou presque. Pour moi ça a complétement gaché la trilogie le gout du bonheur !

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